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Amendement Ramos : attaque en règle contre les paysages et les restaurateurs ruraux

19.06.2018

Il y a quelques mois, l’UMIH (Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie) lançait une campagne pour demander le retour des préenseignes qui pullulaient le long des routes avant juillet 2015.
L’argument avancé était la baisse de fréquentation de certains hôtels et restaurants situés à l’écart des grandes voies de circulation à cause de l’absence de signalisation possible de ces établissements.
Campagne efficace puisqu’elle a été relayée par plusieurs députés qui ont déposé lors de la séance du 8 juin à l’Assemblée nationale deux amendements aux conséquences prévibles catastrophiques, dans le cadre de la loi fourre-tout ELAN (Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique).

Amendement numéro 1

Déposé par un groupe de 15 députés du groupe LR, et défendu par Thibault Bazin :
Le quatrième alinéa de l'article L. 581‑19 du code de l'environnement est complété par les mots : « les commerces, les activités de restauration et d'hôtellerie et les artisans ».1

Conséquence prévisible : installation de milliers de panneaux scellés au sol, hors agglomération, couvrant toutes les activités commerciales. (Avant 2015, n’étaient autorisées que les préenseignes dérogatoires utiles aux personnes en déplacement – hôtels, restaurants, stations essence, garages - services d'urgence, monuments historiques, produits du terroir)

Amendement numéro 77

Déposé par Richard Ramos, du groupe MODEM :
Au quatrième alinéa de l'article L. 581‑19 du code de l'environnement, après le mot : « locales », sont insérés les mots : « et l'ensemble des restaurants ».

Conséquence prévisible : installation de milliers de panneaux scellés au sol, hors agglomération, pour tous les restaurants (avec un retour en force des Quick, Mac Donald et autres fleurons de la gastronomie française).
Le début de son argumentaire vaut la peine d’être retranscrit :
« Quel constat faisons-nous ? Notre ruralité crève. Toutes les semaines, des restaurateurs ferment leur porte et déposent leur bilan parce qu'il leur manque quelques euros.
Tous les restaurateurs français demandent au Gouvernement de défendre la ruralité ! Ils demandent aux députés de la République française de défendre la restauration française ! Nous en avons marre de voir des panneaux d'affichage invitant les touristes à aller manger, à quelques kilomètres, chez McDonald's. Permettez-nous donc simplement d'installer des panneaux indiquant : « Venez manger chez nous ! » »

Ainsi, après avoir déposé un amendement qui permettrait à la restauration rapide d’inonder à nouveau les campagnes françaises avec leurs préenseignes, il dénonce cette forme de restauration au pretexte de défendre la « restauration française ».
Voilà ce qui se passe lorsqu’on relaie un peu trop rapidement les arguments d’un lobby sans réfléchir aux conséquences que cela peut engendrer.

Nos paysages méritent-ils cela ?

Lors de la discussion, Julien Denormandie, secrétaire d'état auprès du ministre de la cohésion des territoires va tenter de temporiser en déclarant qu’« il ne faudrait pas qu'en essayant de résoudre un problème, on ouvre la vanne à d'aucuns qui se saisiraient de l'occasion pour faire encore plus de pub pour leurs enseignes de malbouffe – pour rester poli ».

Dans un accès de franchise, notre fameux Richard Ramos va alors jusqu’à avouer : « Avec la législation en vigueur, les restaurateurs ont commencé à recevoir des amendes assorties d'une astreinte d'un montant de 200 euros par jour s'ils n'enlevaient pas leurs panneaux. »
Voilà donc pourquoi l’UMIH s’agite autant depuis quelque temps. Il faut dire que certains préfets avaient décidé d’appliquer la loi, souvent sous la pression de Paysages de France, afin de faire disparaître les préenseignes devenues illégales depuis juillet 2015.

Après un vote des députés présents, l’amendement numéro 1 est rejeté, et le numéro 77 est adopté.

Et si l’on parlait sérieusement ?

L’argument de la baisse du chiffre d’affaires :

Pour Richard Ramos, la baisse peut aller jusqu’à 25 % pour certains établissements (quelle proportion ces établissements représentent-ils, nous n’en saurons rien).
Pour l’UMIH, c’est la catastrophe : « Nos cafés, hôtels, restaurants situés en zone rurale isolée sont directement impactés par cette réglementation. En moyenne, la perte de chiffre d‘affaires estimée est de l’ordre de 25 %. » 2
De quelle étude provient ce chiffre ? Et s’il avait tout simplement été inventé de toutes pièces ?

Plus le mensonge est gros, plus il passe ! 3

Le service public appelé à la rescousse :

Notre association a pu mettre à jour les mensonges, omissions et caricatures jalonnant un reportage de France 2 diffusé à l’occasion d’un journal télévisé. On y apprend entre autres que la propriétaire de la crêperie interrogée "prévoyait" une perte de chiffre d’affaires car on lui avait imposé d’enlever une préenseigne signalant son établissement. 
Ainsi, l’UMIH n’avait même pas été capable de trouver pour soutenir sa cause un restaurateur qui avait subi une réelle perte de chiffre d’affaires !

Ajoutons-y un journaliste qui fait semblant de ne pas trouver la crêperie sur son GPS, qui oublie de montrer lors du démontage du panneau illégal en question, la S.I.L. mise en place à quelques mètres, qui omet de préciser qu’on demande la suppression du panneau car il nuit également à la bonne visibilité des automobilistes au carrefour...

L’amendement Ramos doit être retiré
Dans le cadre de la navette parlementaire, cet amendement scélérat doit maintenant être étudié par les sénateurs auxquels nous demandons de réfléchir.

On ne peut pas proposer un texte pour régulariser les panneaux des restaurateurs hors-la-loi, et par là-même pénaliser tous ceux qui ont investi dans une signalétique respectueuse de l’environnement.

Il faut dorénavant mettre au premier plan l’intérêt général, défendre les paysages ruraux qui sont un atout touristique de premier plan, soutenir les petits établissements ruraux face à la restauration rapide et leur permettre grâce à la S.I.L. d’être reconnus au travers d’une signalétique officielle.

 

1 Extrait de l'article L 581-19 du Code de l'Environnement : 
"Par dérogation à l'interdiction mentionnée au premier alinéa de l'article L. 581-7, en dehors des lieux qualifiés d'agglomération par les règlements relatifs à la circulation routière, peuvent être signalés de manière harmonisée par des préenseignes, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat :
– les activités en relation avec la fabrication ou la vente de produits du terroir par des entreprises locales, les activités culturelles et les monuments historiques, classés ou inscrits, ouverts à la visite ;"

2 Source : site internet de l'UMIH

3 Source : site internet de l'UMIH


En savoir plus : 
Compte-rendu de la discussion sur les 2 amendements proposés
Notre article sur le reportage de France 2
Article de Hebo-Ardèche