Paysages de France
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L'affichage publicitaire extérieur détruit nos paysages

26.10.2017

Une petite part du marché publicitaire, mais une première place au niveau mondial

L’affichage compte pour moins de 7 % des investissements publicitaires en France, mais notre pays se situe au premier rang dans le monde pour la proportion des dépenses publicitaires liées à l’affichage1.

média

 Pourcentages 2016

Publicité télévisée

34,8 %

Publicité en ligne

36,6 %

Presse écrite

15,4 %

Affichage

6,6 %

Radio

5,9 %

Cinéma

0,7 %

Parts de marché des investissements publicitaires2

« L’un des médias les plus impactants »

Qui mieux qu’un afficheur peut définir cette forme de publicité ?

« L’affichage s’est imposé depuis longtemps comme l’un des médias les plus impactants pour communiquer dans un environnement public, urbain, que ce soit en extérieur ou en indoor.
Il permet en effet de toucher n’importe quelle personne en déplacement, sur son trajet professionnel, ou pendant ses loisirs. Contrairement à la télévision, la radio ou la presse, avec un panneau d’affichage, on ne zappe pas ou on ne tourne pas la page. L’affichage garantit une visibilité permanente à l’annonceur, 24H/24 et 7j/7. De plus, avec une urbanisation et une mobilité en augmentation constante, l’efficacité et la pertinence de l’affichage ne cesse de croître. »3

Revers de la médaille : la destruction de pans entiers de paysages massacrés par des panneaux publicitaires ou enseignes gigantesques, des entrées de ville défigurées, des centres villes inondés de mobilier urbain, des sites naturels mutilés par des ribambelles de préenseignes et parfois même des panneaux publicitaires scellés au sol de grand format.

Le panneau numérique, énergivore, polluant, dangereux, mais le plus "impactant" !

Les principaux acteurs

 Les afficheurs

JCDecaux (n°1 mondial, avec une part de marché de près de 40 % en France), Exterion média, CBS Outdoor, Clear Channel occupent les premières places dans notre pays, accompagnés par de nombreux afficheurs de taille régionale.

Leur force de frappe leur permet de disposer de moyens exceptionnels (services juridiques, lobbying permanent au sein des administrations locales ou d’État), leur assurant une quasi-impunité dans leurs activités d’affichage illégal.

Les annonceurs

Ils sont très divers, et peuvent aller de l’artisan qui installe une préenseigne pour signaler son activité à la multinationale qui, pour lancer un nouveau produit, va inonder le pays d’affiches de 8 ou 12 m² (les formats standards). 

Le montant total des dépenses liées à l'affichage était de  1 317 millions d'euros en 2015, avec dans le trio de tête Renault, Orange et Ford. Les plus gros annonceurs représentent une part très importante de ces dépenses : pour les 10 premiers, c'est 21 % du total, pour les 50 premiers, c'est 47 % ! 4

L’État

Malgré des textes régissant l’affichage publicitaire classés dans le Code de l’Environnement parmi les nuisances et pollutions,
Malgré une ancienne ministre de l’Environnement5 qui reconnaît, concernant l’affichage illégal, « qu’on a un vrai problème de sensibilisation au niveau des préfectures. C’est très difficile d’obtenir des procès-verbaux… et même quand on obtient des procès-verbaux, c’est très difficile derrière d’obtenir le démontage »,
Malgré une autre ancienne ministre6 qui, à propos du projet de décret initié par E. Macron, dénonce publiquement un « dérapage » provoqué par la « pression » du « lobby des afficheurs » , et se désolidarise publiquement d’Emmanuel Macron,
Force est de constater que les déclarations ministérielles restent lettre morte face à un lobby des afficheurs très organisé, les préfets sensés faire appliquer la loi étant le plus souvent aux abonnés absents quand ils ne couvrent pas purement et simplement des délinquants de l’affichage.

Les collectivités locales

Elles sont directement concernées par l’affichage extérieur, avec la possibilité d'instaurer une TLPE (taxe locale sur les enseignes et publicités extérieures applicable depuis le 1er janvier 2009).
De plus, en signant avec un afficheur un contrat relatif au mobilier urbain, la collectivité peut disposer de recettes supplémentaires. L’affichage est donc une source de revenus substantielle pour une collectivité qui accepte la dégradation de son environnement et l’imposition de messages publicitaires à ses habitants.
Pour celles qui souhaitent au contraire limiter la place de la publicité dans l’espace public, l’instauration d’un règlement local de publicité (RLP) sur leur territoire est un outil essentiel offert par le Code de l’Environnement.

Les particuliers

Lorsque les panneaux publicitaires ou préenseignes sont installés sur le domaine privé, le propriétaire du terrain signe avec l'afficheur un contrat de location qui peut rapporter en une année de quelques centaines d'euros en zone rurale à plusieurs milliers d'euros dans une grande ville. Tout dépendra de la visibilité du panneau, du traffic automobile, de la rareté de l'emplacement.

Les associations environnementales

Les associations nationales luttant contre la pollution visuelle engendrée par l’affichage extérieur :

- Paysages de France (créée en 1992) dont l’objectif initial était de s’attaquer à toutes les formes de pollution visuelle a progressivement réduit son champ d’action à la question de l’affichage sous trois formes principales : actions judiciaires pour faire respecter le Code de l’Environnement, participation à de nombreuses instances de concertation pour améliorer la réglementation, aussi bien au niveau local que national, et sensibilisation du public aux problèmes liés à la pollution visuelle.

- Sites et monuments est une association plus généraliste de défense du paysage (ancienne dénomination SPPEF pour « Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France » crée en 1901)

- Agir pour l’Environnement s’intéresse à toutes les questions environnementales dont l’affichage publicitaire.

- De nombreuses associations locales (dont beaucoup sont adhérentes de Paysages de France) se battent quotidiennement pour défendre leurs paysages.

Les associations nationales luttant contre les nuisances de la publicité :

- Résistance à l’Agression Publicitaire (RAP) organise des actions contre les différentes formes de publicité (affichage, TV, radio, Internet, lieux publics...)

- Collectif des Déboulonneurs milite entre autres pour la réduction des affiches publicitaires au format 70 cm X 50 cm.

Les consommateurs et les citoyens

Le grand oublié de l’affichage est bien sûr le consommateur qui va payer de manière indirecte toutes les dépenses liées à l’affichage publicitaire qui sont incluses dans le prix des produits. Qu’est-ce qui peut inciter un maire à laisser proliférer autant de dispositifs publicitaires sur son territoire si ce n’est son irresponsabilité concernant l’aménagement de l’espace public ainsi qu’un calcul caché consistant à faire payer à ses administrés les dépenses publicitaires qu’il aura laissé proliférer (et tout cela au prétexte que la publicité pourrait diminuer le montant de leurs impôts!).

Le deuxième grand oublié est le citoyen auquel on va imposer des messages publicitaires de plus en plus agressifs (grands formats, panneaux déroulants, panneaux lumineux, ou pire, numériques) lors de ses déplacements dans l’espace public, tout cela malgré une opposition de plus en plus grande à ces méthodes : 73% des Français trouvent la publicité « envahissante » sur tous les supports et 85 % la jugent « intrusive »7.

A de rares occasions, on lui demandera bien son avis (enquêtes publiques relatives aux RLP, avis sur des projets de réglementations nationales) qui tombera le plus souvent aux oubliettes, le lobbying des afficheurs court-circuitant presque toujours les propositions ou demandes des citoyens, avec la complicité des politiques.

Espace naturel victime de la cupidité d'un afficheur (avec la complicité de l'annonceur, du propriétaire du terrain, des services de l'Etat...) ©TP

L'affichage publicitaire, producteur de richesses ? 

L'argument majeur avancé par les défenseurs de l'affichage est qu'il permet de développer l'activité économique et ainsi de limiter le chômage. Une comparaison avec d'autres pays européens montre que c'est plutôt le contraire : plus l'affichage est présent, plus le taux de chômage est élévé, pour preuve les pays nordiques (les Pays-Bas, l'Allemagne par exemple) qui utilisent peu cette forme de publicité.

Reconnaissons que cette activité apporte bien sa contribution à l'augmentation du P.I.B. (produit intérieur brut) mais au même titre que d'autres activités nuisibles à l'homme et à l'environnement (vente d'armes, acccidents de la route, pollutions diverses...). 

Le seul qui s'enrichisse vraiment dans cette affaire est l'afficheur, et cela au détriment de notre qualité de vie. Malgré tout, Paysages de France ne demande pas la suppression de l'affichage (qui peut parfois être utile), seulement une limitation stricte dans l'espace public et une application rigoureuse de la loi (voir "Nos préconisations"

 Le "coup de gueule" de Jack Lang

L'ancien ministre de la culture nous invite à réfléchir (et agir !) pour stopper cette gangrène :

" Combien de kilomètres devons-nous effectuer au travers d'une forêt monstrueuse de néons géants, de panneaux assourdissants, de jungle de métal, de déserts de tôles grisâtres, d'enseignes infernales, de centaines de slogans publicitaires, sortes de promesses de bonheur pour les nuls, des mensonges insupportables destinés à nous siphonner le crâne, à nous transformer en unité de consommation ? Combien de kilomètres avant d'entrer dans une de nos petites villes ou villes moyennes dont les centres historiques, beaux mais tristes, se meurent ? Mais où sommes-nous ? Qui sommes-nous devenus ? (...) Continuer de la sorte, refuser de renouveler notre pensée, ne pas aborder collectivement et clairement notre manière de traiter le patrimoine à l'aube du XXIe siècle aboutirait à le souiller définitivement. Deux cents générations avaient façonné le visage de la France depuis le Néolithique (mais oui, le Néolithique), et nos dirigeants s'apprêtaient – brillante génération qui avait connu tous les bonheurs et qui léguait à ses enfants en signe de reconnaissance la crise et des abysses d'inégalités – à la défigurer à jamais. "8

 

1 Nicolas Hervé « L’affichage publicitaire est une pollution visuelle » Libération, 21 mai 2008

Les Echos, 7 décembre 2015

Site Internet de « Poster Cloud », société de services proposant de l’affichage

4 Chiffres "Kantar Média" et "France Pub"

Nathalie Kosciusko-Morizet, sur LCI dans l’émission « On en parle » du 5 juin 2008

Ségolène Royal, déclaration du 5 février 2016

7 « Les Français et la publicité », Sofres, 2013

8  Jack Lang "Ouvrons les yeux" HC Editions