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Publicité et biais cognitifs

08.12.2023

   « A chaque instant de la journée, que l'on soit adolescent ou adulte, au travail ou chez soi, notre cerveau utilise toute une palette de capacités sophistiquées qui s'appellent les FONCTIONS COGNITIVES : la mémoire, l'attention, le langage, les fonctions exécutives et les fonctions visuo-spatiales.

Ces fonctions cognitives nous permettent d'effectuer des activités telles qu'élaborer un itinéraire, se rappeler un numéro de téléphone, reconnaître un visage, calculer mentalement, conduire, jouer du piano ou tout simplement lire ! Elles sont donc le support de la pensée, de l'action et de la communication ». (C.Minutolo)

Parmi ces fonctions l'attention doit être mise un peu à part car elle sous tend le bon fonctionnement des 4 autres et c'est cette fonction qu'utilise massivement la publicité pour déclencher des comportements d'achat.

 Un biais cognitif est une déviation dans le traitement cognitif d'une information. Le terme biais fait référence à une déviation de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité.

 La publicité exploite des biais cognitifs pour faire passer ses messages.

  On peut distinguer 4 biais cognitifs utilisés par la publicité.

Le raisonnement fallacieux.

Par exemple elle présentera un homme ou une femme heureux dans une belle voiture roulant dans un cadre idyllique sans qu'il n'y ait la moindre autre voiture à l'horizon alors que l'on sait très bien que la vie de l'automobiliste se passe au milieu de beaucoup d'autres voitures. Il passe même en moyenne 150 heures par an dans les embouteillages c'est à dire presqu'une semaine. Elle présentera une scène conviviale et heureuse avec un alcool alors que le coût social de l'alcool est estimé à 120 milliards d'euros par an, qu'il est la première cause de démence précoce, la deuxième cause de cancer évitable, présent dans plus de 50% des violences, en particulier conjugales, qu'il est cause d'environ un millier de morts par an sur les routes.

Oubli de la fréquence de base.

 De nombreuses publicités vantent les jeux de hasard avec des visages heureux d'avoir gagné alors qu'on sait très bien qu'il y a beaucoup plus de perdants que de gagnants et que 6% des joueurs rencontrent des difficultés liées au jeu, soit environ 1 370 000 personnes. Ils génèrent à eux seuls près de 40% du chiffre d'affaires du secteur.

Effet de simple exposition.

La simple exposition répétée à un objet entraine progressivement un sentiment positif envers cet objet. Il n'est que de penser au nombre de messages publicitaires qui assaillent nos contemporains tout le temps et en tous lieux. C'est ainsi que les français continuent à boire massivement des boissons sucrées et à manger des aliments ultra transformés, dont on sait l'extrême nocivité en terme de santé publique, car ils sont soumis en permanence à des messages très bien faits qui incitent à en absorber. Il est du reste à noter que nul ne connait le nombre de messages publicitaires disposés dans l'espace public en France.

4 Effet de saccade oculaire.

Tout objet saillant qui arrive dans le champ visuel déclenche une saccade oculaire ; elle dure 50 millième de seconde et n'est pas perçue par le sujet. Elle oriente l'oeil de telle manière qu'il se fixe très brièvement sur la cible au moment ou celle ci arrivera sur la fovéa. La fovéa est la zone de la rétine qui voit le mieux. L'image sera envoyée immédiatement dans le cerveau pour traitement infra conscient. Mais cette infra conscience influencera le cerveau et les choix du sujet. La plupart des gens ne remarquent pas la publicité et ne s'en plaignent que lorsqu'ils la regardent vraiment.

 Au total on devrait considérer que la publicité dans l'espace public, telle qu'elle est aujourd'hui, réalise un vol de l'attention de la population sans son consentement. Nous savons que les systèmes attentionels de nos contemporains sont bien trop sollicités par les écrans, ce qui contribue à altérer leurs fonctions cognitives comme le montrent des milliers d'études (voir les livres de Michel Desmurget). En privé nous avons la liberté de ne pas ouvrir la télévision, l'ordinateur ou le smartphone mais dans l'espace public nous ne le pouvons pas. L'espace public devrait être un espace modèle offrant un moment de paix des sens pour tous. Pour sortir de cette impasse il faudrait sans doute que l'autorité de régulation professionnelle de la publicité ARPP soit un organisme public et non privé, soit plus paritaire et connaisse des déclinaisons locales par unité urbaine. Ces Arpp  locales et dotées de l'autorité de la collectivité autoriseraient ou non les publicités soumises à leur approbation ainsi que leur emplacement et leur nombre sur chaque territoire.