17.11.2021
Communiqué de Paysages de France
Association agréée dans le cadre national au titre du Code de l'environnement,
indépendante des pouvoirs économique et politique
Contact : 06 82 76 55 84 / contact@paysagesdefrance.org
Les trois derniers ministres de l’Écologie contestant devant les cours d’appel les jugements ordonnant à l’État de faire appliquer la loi, l’association a notamment lancé une alerte sur l’ampleur et la gravité de la situation.
Bruno Questel, député (LReM) de l’Eure et Cécile Untermaier, députée (Socialistes et apparentés) de la Saône-et-Loire, corapporteurs de cette mission, avaient « jugé particulièrement utile à leurs travaux » d’entendre France Nature environnement, Greenpeace France et Paysages de France dans le cadre de la mission d’information sur la « capacité des associations à agir en justice », créée en mai 2021 par la commission des Lois de l’Assemblée nationale.
Cette audition a eu lieu le 13 octobre 2021. Paysages de France a confirmé la teneur de ses interventions orales (son président, son porte-parole et l’un de ses vice-présidents représentaient l’association) par un document écrit transmis à l’Assemblée nationale.
Bruno Questel (LReM - Eure) et Cécile Untermaier (Socialistes et apparentés - Saône-et-Loire)
Paysages de France confrontée à des ministres de l’environnement qui font obstacle à l’application du code de l’environnement !
Pour Paysages de France, l’urgence et la priorité absolues étaient bien sûr de mettre sur la table un véritable scandale. Que devient en effet la « capacité des associations à agir en justice » si ces dernières trouvent en face d’elle, pour les contrer, ceux-là mêmes qui sont censés être les premiers à devoir veiller au respect des lois destinées à protéger l’environnement ?
Or l’association se retrouve bel et bien confrontée, non pas seulement aux délinquants de l’environnement, mais ni plus ni moins à des ministres de l’Environnement qui tentent de faire obstacle à l’application de la loi !
Paysages de France a donc évoqué les initiatives prises par les trois derniers ministres de l’Écologie des Gouvernements Édouard Philippe et Jean Castex, ministres qui, à sept reprises, ont demandé à des cours d’appel d’annuler des jugements donnant raison à l’association et enjoignant à des préfets de prendre les mesures prévues par le Code de l’environnement pour faire cesser des infractions.
Or, dans le cas d’espèce, le requérant est, chaque fois, le ministre de l’Écologie, c’est-à-dire celui-là même qui accorde ou non l’agrément à l’association contre laquelle il agit devant la justice…
Conflits d’intérêt : un agrément délivré par celui-là même contre lequel l’association peut être conduite à agir en justice
L’un des points soulevés par Paysages de France, mais aussi par Greenpeace, a donc été, indépendamment du scandale précité, celui de l’instance qui accorde ou non aux associations l’agrément au titre de la protection de l’environnement.
Cet agrément – et en particulier son renouvellement – est délivré par l’État, autrement dit par celui contre lequel l’association peut être conduite à saisir la justice (recours devant les tribunaux administratifs).
On peut dès lors imaginer à quelle situation est systématiquement confrontée une association lorsqu’elle saisit le juge administratif contre des préfets, autrement dit contre l’État.
Soit elle renonce ou freine ses ardeurs.
Soit, comme Paysages de France – dont les initiatives face à la résistance de préfets ont conduit à 86 condamnations de l’État – elle prend le risque de se heurter à de sérieuses « difficultés » lorsqu’elle demandera à celui qu’elle a été contrainte d’attaquer de renouveler son agrément.
Conflits d’intérêt : la question cruciale de l’indépendance des associations vis-à-vis de l’État
Paysages de France et Greenpeace ont donc également posé la question cruciale de l’indépendance des associations vis-à-vis de l’État.
Le fait pour une association d’équilibrer son budget grâce aux subsides de l’État, de « demander de l’argent » (subventions) à celui qui délivre l’agrément, peut-il être sans incidence sur la « politique » judiciaire d’une association ? Autrement dit, sur sa capacité à agir en justice contre l’État ?
La réponse est évidemment non.
Il est donc essentiel que l’association concernée soit totalement indépendante financièrement de l’autorité qui délivre l’agrément. C’est la condition de sa liberté d’action, y compris, en cas de besoin, contre l’État ou ses représentants.
Agrément des associations : « nettoyage au Karcher »
Sans agrément, une association ne peut guère agir devant la justice : toutes les portes ou presque lui sont fermées, au civil comme au pénal, et la possibilité de saisir le juge administratif est considérablement limitée.
Or, à la suite du décret du 12 juillet 2011 relatif à la réforme de l’agrément au titre de la protection de l’environnement, les conditions à réunir pour l’obtention de l’agrément ont été considérablement renforcées. De plus, la nouvelle réglementation impose aux associations agréées de solliciter, tous les cinq ans, le renouvellement de leur agrément.
L’objectif avancé du décret de 2011 était de s’assurer du fonctionnement régulier et de la représentativité des associations auxquelles serait accordé l’agrément en question. Une réforme réclamée par France nature environnement, et donc destinée, comme l’a rappelé, le 13 octobre 2021, le représentant de cette association, à « faire le ménage ».
Filtre politique
Résultat ?
L’agrément est devenu inaccessible pour des milliers d’associations. Paysages de France a souligné qu’une telle restriction mettait non seulement à mal l’expression démocratique des citoyens, mais pouvait, en les privant de la possibilité d’agir en justice, pousser ces derniers à se tourner vers d’autres formes d’action.
Quant aux associations éligibles, elles sont confrontées à des difficultés nouvelles, qui peuvent devenir un obstacle majeur. Notamment au regard de la lourdeur des démarches à accomplir en vue du renouvellement périodique.
Mais aussi, et surtout pour les moins « dociles », à cause du « filtre politique » que peut représenter l’avis du préfet du département où l’association, qu’elle soit départementale, régionale ou nationale, a son siège. Tout particulièrement si elle a été conduite à saisir le juge administratif contre l’autorité même dont l’avis est requis…
Les représentants de Paysages de France ont donc également fait état des multiples difficultés que l’association a rencontrées lors des deux derniers renouvellements de son agrément, et, notamment, du retard de près de 6 mois de ce renouvellement lors de sa dernière demande. Un retard qui, au demeurant, a aussitôt été exploité devant la justice par tel préfet, manifestement en mal de moyens susceptibles de justifier son refus de faire respecter la réglementation…
Appel de Greenpeace et de Paysages de France
Paysages de France et Greenpeace ont rappelé qu’il s’agissait là de problèmes majeurs et de fond, auxquels il est indispensable que des solutions appropriées soient apportées : l’instance qui délivre l’agrément doit être indépendante de même que doivent l’être à l’égard de cette dernière les associations qui le sollicitent.