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Loi climat et résilience : le gouvernement accède aux demandes du lobby publicitaire

28.10.2021

La convention citoyenne pour le climat mise en place par le président Macron avait pour objectif de donner la parole aux citoyens et citoyennes afin d’accélérer la lutte contre le changement climatique. Plus précisément, elle devait définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.

"Ce qui sortira de cette convention, je m'y engage, sera soumis sans filtre soit au vote du Parlement, soit à référendum, soit à application réglementaire directe", annonçait Emmanuel Macron, en avril 2019.

Deux ans plus tard, la loi Climat et résilience, issue du travail de la Convention, est adoptée le 22 août 2021. Moins d’un quart des mesures proposées sont intégrées dans le texte ; le chapitre « Consommer » traitant de la publicité est réduit à peau de chagrin, très certainement sous l’influence des lobbys publicitaires.

Une mesure vidée de sa substance : le règlement local de publicité pourra désormais réglementer les publicités et enseignes lumineuses situés à l’intérieur d’un local

Le Code de l’environnement est complété par l’article L. 581-14-4 : « [...] le règlement local de publicité peut prévoir que les publicités lumineuses et les enseignes lumineuses situées à l’intérieur des vitrines ou des baies d’un local à usage commercial [...] respectent des prescriptions qu’il définit en matière d’horaires d’extinction, de surface, de consommation énergétique et de prévention des nuisances lumineuses ».

Réglementer ces dispositifs qui envahissent dorénavant nos rues est une mesure de salubrité publique, mais en laisser l’application au maire ou président de l’intercommunalité revient à en limiter considérablement la portée. Pour preuve, les demandes de Paysages de France d’intégrer cette mesure dans les règlements de publicité actuellement en projet se heurtent à un mur : refus des bureaux d’étude de faire des propositions dans ce sens aux collectivités, refus de celles-ci de froisser leurs commerçants.

Il y a fort à parier que les écrans numériques derrière les vitrines s’imposeront de plus en plus dans les dix prochaines années, n’ayant pas été réglementés dans la plupart des projets en cours, rendant encore plus difficile leur suppression lors de l’instauration de nouveaux RLP.

Transfert du pouvoir de police du préfet au maire

Cette mesure glissée discrètement dans la loi Climat et résilience, alors que la Convention citoyenne ne l’avait jamais proposé est pour sûr celle qui aura l’impact le plus grand sur notre environnement.

Dès qu’elle en a pris connaissance, Paysages de France a compris que cette mesure visait à freiner considérablement les possibilités d’agir contre l’affichage illégal, puisqu’il s’agissait tout bonnement de donner le pouvoir de police de la publicité aux maires de toutes les communes, y compris celles ne disposant pas de règlement local de publicité. Impossible alors de traiter un axe de circulation traversant plusieurs communes, sauf à multiplier les dossiers, conflits d’intérêts potentiels entre élus d’un côté, commerçants et afficheurs de l’autre, rendant les recours auprès des maires très difficiles.

Malgré une forte mobilisation des adhérents de Paysages de France qui ont massivement relayé auprès des députés et sénateurs nos demandes de rétablir un pouvoir de police concurrent entre maire et préfet, malgré notre message adressé à tous les maires de France, malgré nos propositions concrètes adressées à tous les parlementaires, malgré une prise de conscience certaine de la part de nombre d’entre eux, malgré un avis plus que mitigé de l’association des maires de France, malgré un front commun d’une dizaine d’associations, rien n’y a fait. Le rouleau compresseur gouvernemental a poursuivi son œuvre de destruction environnementale et l’article a été adopté par la majorité en place.

Onze associations engagées dans la lutte contre l'article 6 du projet de loi

Les compétences en matière de police de la publicité seront donc systématiquement exercées par le maire ou le président de l’EPCI. La loi supprime également la possibilité conférée au préfet de se substituer au maire en cas d’inaction de ce dernier. En clair : si le maire refuse d’agir, le préfet ne pourra le faire à sa place.

Mais le législateur a tout prévu : en cas d’inaction du maire, le préfet pourrait demander au maire de mettre en œuvre ses pouvoirs de police de la publicité pour faire cesser les infractions. En cas de silence et d’inexécution du maire, il pourrait même saisir la justice administrative ! Tous les maires de France doivent déjà trembler de peur dans leur fauteuil...

Fin des publicités tirées par un avion

Les amateurs de plage seront enfin comblés : l’article L 581-15 du Code de l’environnement est ainsi complété : « la publicité diffusée au moyen d’une banderole tractée par un aéronef est interdite ».

Ne dites surtout pas que le gouvernement ne s’active pas dans la lutte contre le changement climatique puisqu’avec cette mesure, il fait d’une pierre deux coups : diminution du trafic aérien + restriction drastique de la publicité !

Et pour finir…

Quelques mesures anecdotiques concernent la publicité en général, par exemple une meilleure information des consommateurs au travers des mentions légales ou concernant les caractéristiques environnementales des produits et services promus.

Mais la « mesure phare » concerne les engagements volontaires de la filière communication mis en œuvre au travers de l’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) et de l’Union des Marques :

- intégration des objectifs de l’accord de Paris 2015,

- reconnaissance des objectifs liés à la transition écologique,

- évaluation de l’impact carbone des productions publicitaires,

- renforcement de leur "contribution pro bono" en direction des associations les plus actives en matière de transition climatique.

Le CSA devra évaluer l’efficacité de ces codes de bonnes conduites. Mais chacun connaît l’inefficacité de ces engagements volontaires, qui n’ont aucune valeur contraignante et permettront au mieux aux entreprises publicitaires de verdir leur communication sans aucune remise en cause du modèle publicitaire.

Malgré tout une bonne nouvelle dans cette liste : J.C. Decaux devrait renforcer sa "contribution pro bono" à l’association Paysages de France, très active en matière de transition climatique, en mettant à sa disposition quelques-uns de ses avocats !