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Comment détourner le Code de l’environnement en respectant la loi  ?

04.07.2019

France 3 Provence Alpes Côte d’Azur a consacré un reportage à « l’affaire du Carlton » de Cannes. L’occasion pour notre association de montrer comment on peut en toute légalité détourner certaines dispositions du Code de l’environnement.

La ville de Cannes est l’objet de toutes les attentions de la part de Paysages de France depuis que le représentant local de l’association a décidé de mettre fin à l’anarchie publicitaire régnant aux alentours de la Croisette, et plus particulièrement sur la façade de l’hôtel Carlton.
En effet, ce monument inscrit ne peut en aucun cas servir de support à des affichages publicitaires (« I. - Toute publicité est interdite : 1° Sur les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques » Article L581-4 du Code de l’environnement)

Et pourtant lors du dernier Tax Free World Exhibition (rendez-vous annuel international pour l'industrie du duty free (boutiques hors taxes), la façade de l’hôtel était couverte de publicités pour les produits de beauté Shiseido. Pour nous, il était clair que tous ces dispositifs, dont certains, géants et visibles à plusieurs centaines de mètres, constituaient des publicités et ont donc fait l’objet d’un relevé d’infraction adressé au maire de Cannes.

Des publicités qui deviennent des enseignes temporaires...

Plusieurs semaines plus tard, celui-ci informait l’association de la régularité des dispositifs dénoncés : il s’agissait d’enseignes temporaires installées dans le respect du Code de l’environnement.

Sachant qu’une enseigne se rapporte à une activité située dans l’établissement où celle-ci est installée, que l’inscription « Come and meet us at the Carlton during TFWA » (non traduite en français comme l’exige la loi) indiquait que des produits de beauté Shiseido étaient en vente dans les locaux de l’hôtel et que ces affichages étaient limités dans le temps, nous avions en effet affaire à des enseignes temporaires, non limitées en surface par la réglementation.

La façade du Carlton couverte de publicités d'enseignes temporaires pour un parfum

Des enseignes temporaires détournées à des fins publicitaires

Ce trou dans le Code de l’environnement est ainsi très habilement utilisé par l’hôtel pour installer des enseignes temporaires détournées à des fins publicitaires.
Le site chargé de la publicité sur le Carlton ne s’en cachait d’ailleurs pas, puisqu’il indiquait à ses clients potentiels « L’hôtel Carlton vous propose une location d’emplacements publicitaires sur la façade la plus célèbre de la Croisette », site qui a mystérieusement disparu depuis que Paysages de France s’y intéresse.

Sur ce principe, on pourrait ainsi couvrir la façade de l’hôtel de publicités pour le dernier smartphone en vogue. Il suffirait ensuite d’installer dans le hall un vendeur derrière une petite table, avec quelques téléphones posés dessus, et les publicités illégales deviendraient par miracle des enseignes temporaires légales !

A la mairie, on assume pleinement ce détournement : « Ce sont des enseignes temporaires, des dispositifs qui se rapportent à une activité qui a lieu au sein du Carlton », en ajoutant même dans le futur règlement local de publicité (RLP) 20 jours supplémentaires par an aux 40 actuellement autorisés.

Le RLP de la ville de Cannes va donc servir prioritairement à déroger au Code de l’environnement en installant des publicités en site classé, mais aussi à exploiter au maximum les failles de la réglementation nationale.

Une jurisprudence qui pourrait bien se retourner contre ceux qui détournent le Code de l’environnement

Une enseigne (qu’elle soit temporaire ou non) peut toutefois être requalifiée en publicité comme l’a fait le Conseil d’état dans sa décision n°110604 du 13-11-1992 : « Le dispositif consistant en l’apposition des lettres “GAN” au dernier étage de l’immeuble sis à Courbevoie constitue, en raison notamment de ses dimensions, de son emplacement et de son intensité lumineuse destinée à permettre qu’il soit vu à une grande distance, une publicité ».
Il est fort probable qu’un juge se saisissant de cette jurisprudence considérerait les affichages sur le monument inscrit comme des publicités et donc illégaux.

En savoir plus :

Article sur le site de France 3 Provence Alpes Côte d’azur

Reportage vidéo de France 3 Provence Alpes Côte d’azur